Zambie 2001, suite...

14 h 00 : l'éclipse est déjà bien entamée. Je commence mes photos d'ambiance. Toutes les 20 minutes désormais, je prends un cliché du paysage au 1/1000ème de seconde, jusqu'à 5 minutes avant la totalité. Entre temps, bien sûr, je fais quelques photos des phases partielles avec mon deuxième appareil photo, un Canon EOS 500N avec 300mm muni de doubleur de focale (soit 600mm au final). Et bien évidemment, comme depuis le début du voyage, je m'occupe de ma caméra vidéo, emmenée spécialement pour l'occasion histoire de montrer combien nous sommes fous, nous, chasseurs d'éclipses, et aussi combien une éclipse totale est indescriptible (mission impossible, hein ?!). Bref, cette heure et demie de phases partielles m'a paru vraiment courte. Chaque minute me parut une seconde, et nous sommes arrivés très rapidement à 15 h 00, soit 8 minutes avant le début de la totalité, après avoir flâné un peu partout sur la champ astro, en prenant garde évidemment aux trépieds du voisin... La baisse de lumière se fait ressentir doucement au fil des minutes. Sous les arbres, des centaines de petits croissants de lumière flottent sur l'herbe. Le ciel s'assombrit. Quelques oiseaux traversent le ciel en rase-motte pour aller se cacher dans les arbres. Il fait encore très jour, mais ceux-là ne se sont pas trompés sur ce qui va bientôt se passer...


Sous le grand arbre du champ, des dizaines de petits croissants dansent sur l'herbe. Si si, regardez bien, ce n'est pas évident, certes, mais ils sont bien là ! (vous pouvez cliquer pour agrandir)

15 h 05. Totalité dans 3 minutes. Le ciel s'assombrit encore, et surtout, la tension monte de plusieurs crans parmi les observateurs (et moi le premier). Au loin, près de l'hôtel, les tambours se sont arrêtés. Quelques touristes bavardent encore, en attendant l'instant magique. De notre côté, on retire déjà les filtres solaires, pour ne pas oublier de le faire au mauvais moment... Il fait frais, déjà...

15 h 07. Totalité dans 1 minute. Jupiter apparaît déjà en bas à gauche du Soleil. Il fait encore très clair, mais d'un coup, tout s'accélère. La lumière ambiante baisse à vue d'oeil, lentement en trente secondes. Le ciel passe d'un bleu profond à un pourpre léger... Totalité 30 secondes... Je reste pétrifié sur place, tourné en direction de l'ouest pour tenter d'apercevoir l'ombre de la lune arriver. Je ne la verrai pas vraiment : ciel trop pur. Philippe nous avait prévenus ! En revanche, ces 20 dernières secondes de lumière furent fantastiques. La baisse de luminosité continuait à s'intensifier au fil des secondes. La paysage prenait un visage différent à chaque seconde. Des cris. Le ciel devient bleu-violacé, tandis que l'horizon se couvre d'une lueur orangée à 360°. Je me tourne rapidement vers le Soleil : l'astre du jour faiblit un instant, résiste, et puis ça y est. Les grains de Baily envahissent le bord nord-est de la lune, les cris retentissent de plus belle. Des jurons fusent.
Je me retourne à nouveau vers l'est pour voir l'ombre arriver. Je ne verrai que la nuit tomber, comme ça, à la fois d'un coup et pourtant avec une douceur et une paix incomparables. Lorsque je lève les yeux à nouveau, c'est le diamant, le dernier grain de Baily, qui meurt. La couronne vient de se déployer dans toute sa splendeur, depuis quelques secondes déjà. C'est parti pour 3 minutes et 36 secondes d'éternité.


L'éclipse totale dans toute sa splendeur !

15 h 08. Totalité. Sur le coup, impossible d'imaginer plus beau spectacle. Dans le ciel, au-dessus de mon arbuste repéré la nuit précédente, luit un Soleil noir couronné d'immenses plumes argentées parfaitement agencées en rond, autour du disque solaire, comme c'était prévisible en cette période de forte activité solaire. Et comme c'était aussi prévisible, quelques protubérances sont du spectacle. Une énorme protu dépasse de la lune vers 2 h 00. Elle est nettement visible à l'oeil nu, bien que relativement noyée dans la lumière de la basse couronne. Elle est si brillante que sa couleur rougêatre ne m'apparaît pas du premier coup. Aux jumelles, le spectacle est saisissant : la couronne est magnifique, bien plus étendue que celle du 11 août 1999 telle que j'avais pu la voir dans le ciel français, alors très humide... Selon les spécialistes, il paraîtrait qu'elle était pourtant moins étendue, mais pour moi il n'y avait pas photo entre les deux !!

Déjà une trentaine de secondes de totalité écoulées, et en entendant crépiter les appareils photos autour de moi, je pense soudain à mes propres photos. Aveuglément, comme je l'avais prévu, je prends mes séries de trois clichés à l'aide de la fonction "bracketing auto" de mon Canon. Je jette un oeil au viseur une seconde : horreur ! L'éclipse n'est pas du tout centrée, mais légèrement décalée vers la gauche du viseur ! C'est la conséquence d'un trépied sans suivi : à cause de la rotation de la terre, les astres se barrent du champ en quelques minutes !!
Tant pis, pas de le temps de tout repointer. Le soleil est suffisamment dans le champ pour que le rendu soit convenable. Je continue mes photos, le doigt tremblant sur le déclencheur électronique. En vingt secondes, mes photos sont expédiées. Mission réussie, au moins dans le temps. On verra bien le résultat. Je me dirige alors vers mon vieux reflex pour faire les photos d'ambiance. Je prends le premier cliché avec le déclencheur souple, pose de une seconde. Je veux réarmer : paf, ça bloque !! Pas du tout étonné du pépin, tout à fait prévisible dans des circonstances pareilles, je n'insiste pas et laisse tomber les autres clichés. Au moins un de fait, c'est déjà ça. Je me relève, et me retourne à l'opposé de l'éclipse totale. La lumière ambiante est extraordinairement claire. Bien plus que celle d'une nuit de pleine lune. Le temps de jeter un coup d'oeil dans le ciel, d'un bleu profond argenté, et j'aperçois une étoile. Plus tard, je l'identifierai comme Canopus. Du côté de l'éclipse, Jupiter brille dans toute sa splendeur. Et des choeurs africains retentissent au loin. Les grillons, réveillés par cette obscurité inattendue, se mettent à chanter tout naturellement.


Mes photos d'ambiance, montrant la baisse de luminosité au cours de l'éclipse.
Clichés pris à 14 h 00, 14 h 40, 15 h 00 et 15 h 10.

A mes côtés, Hélène la chasseuse de météorites (et "l'héroïne" de mon documentaire vidéo !) s'éxclame de la beauté de la couronne dans ses grosses jumelles sur pied. Elle m'invite à y jeter un oeil l'espace de quelques secondes. Le spectacle y est saisissant. Rien à voir avec mes propres jumelles, bien moins lumineuses et grossissantes. Les protus sont très bien visibles, et les détails de la couronne, du bord de la lune à plusieurs degrés plus loin, sont parfaitement identifiables... C'est là qu'on prend conscience que l'on est en train de vivre un spectacle absolument unique, qui n'est visible par les êtres humains que quelques minutes par décennies. Après avoir vu cela, je m'agenouille devant le Soleil noir, comme assommé par le spectacle. Déjà, la totalité me paraît exceptionnellement longue (contrairement à ceux qui ont fait des photos pendant les 3 minutes 35 secondes du spectacle). J'en profite au maximum pour m'imprégner de cette lumière unique, que je n'avais jamais expérimentée auparavant. Le spectacle est total. Pourtant, sur le coup de l'émotion, difficile de penser à autre chose qu'à ce qui se passe, objectivement. J'essaye sur le coup de prendre conscience de ce que je suis en train de vivre, d'en extraire la portée symbolique et universelle, mais je n'y parviens pas. On s'exclame en voyant la couronne, les protus, les étoiles et Jupiter... Mais nous sommes tous dans un état second tel qu'il nous est impossible de penser à autre chose qu'à ce que l'on vit dans l'instant. Impossible de prendre du recul, impossible de réfléchir. On le vit, on pleure à la vue d'un tel spectacle, mais ce n'est qu'après que le sens incroyable de ce moment nous saute aux yeux... Et qu'on se rend vraiment compte que l'on vient de vivre la plus grande émotion de toute sa vie.

Et voilà que l'instant magique va prendre fin. Quelques longs grains de Baily apparaissent, laissant encore voir les nouvelles protus qui viennent juste d'apparaître vers 8 h 00. Et puis c'est le diamant, cette vision magnifique d'un éclat de lumière sur le bord lunaire au moment où la couronne brille encore à son pourtour... comme un diamant sur sa bague ! Extraordinaire ! Aucun mot ne peut décrire ce moment, le dernier de plus de trois minutes d'émotion intense, que nous ne "comprendrons" vraiment que quelques minutes plus tard. Le Soleil réapparaît. De nouveaux cris de joie. Fin de totalité.

15 h 13. Le Soleil brille à nouveau dans le ciel. Sur le champ d'observation règne une ambiance unique : sur tous les visages, des sourires, reflet parfait d'un bonheur collectif et universel. Rares sont les événements qui font une pareille unanimité positive. Même du côté africain, la bonne humeur est reine. L'éclipse a été bouleversante pour les autochtones, sans pour autant avoir été effrayante, bien heureusement ! De notre côté, ce sont les premières impressions qui ont la part belle : protus, couronne, diamant, qui a vu quoi, ou entendu quoi... En tout cas pour tous, c'est le bonheur le plus complet, la réussite la plus totale, même si chacun a, évidemment, rencontré un petit pépin technique de dernière minute... Les plus pointilleux continuent inlassablement leurs photos de phases partielles, tandis que d'autres, comme moi, oublient leurs appareils au Soleil pour partager les émotions avec le voisin...

Pour ma part, je cours voir ceux pour qui c'était la première totale, tel Jérémy, notre guide, qui n'y connait rien en astronomie. Tellement ébloui par un tel spectacle, les seuls mots qu'il parvient à me sortir sont : « extraordinaire, incroyable, émouvant... » avec un large sourire aux lèvres et des yeux encore tout brillants.
Quant à Jacky, l'ouvrier qui a longuement économisé pour se payer ce voyage unique, il ne parvient pas à sortir un mot...

Pendant ce temps, l'éclipse continue. Encore partielle à 90 %, ce qui est rarrissime (presque autant qu'une totale !), seuls ceux qui se sont fixé un programme photo rigoureux continuent d'observer l'éclipse. Du côté de ceux qui bavardent, comme moi, les appareils photos chôment.

Échanges d'impressions et d'émotions. On commence juste à comprendre ce qui vient de nous arriver. Hélène pense à tous ses proches et à un ami récemment disparu qui n'ont pas pu être là pour ce moment unique. Et moi je pense à tous ces gens qui croient qu'on est vraiment fous de faire autant de kilomètres pour à peine trois minutes de spectacle... Ah ah ah, je rigole bien !! Mes amis, si vous saviez ce que vous avez raté...

15 h 30. La totalité est finie depuis 20 minutes mais nous discutons toujours... Nous avons l'impression d'avoir rêvé. Mais non, l'éclipse a bien eu lieu et nous l'avons vue... C'est à ce moment, plongés dans nos réflexions, que deux femmes africaines s'approchent de notre "enclos" d'instruments... Elles nous saluent d'un bonjour bel et bien francophone. Ce sont deux représentantes de l'UNESCO, présentes à l'occasion du congrès qui se déroule à l'hôtel pour l'événement.
Hélène et moi-même (ma caméra à la main) nous approchons d'elles pour discuter un peu. Hélène leur demande si par hasard il existe un chant à l'occasion des éclipses totales. L'une venant du Mali, l'autre du Burkina Faso, aucune n'est en mesure de nous donner d'exemple de chant à l'occasion d'éclipse solaire. En revanche, elles nous confirment l'existence de rituels durant les éclipses de lune (plus fréquentes), où les gamins frappent dans des boîtes de conserves durant tout le phénomène. C'est à ce moment que, intriguées par nos t-shirts "éclipse 2001", l'une d'elles demande où s'en procurer ! Hélène court aussitôt chercher deux t-shirts restant du stock de Claude, notre accompagnateur, qui en avait prévu largement pour tout le monde !
Elle revient aussitôt et leur offre les deux t-shirt en souvenir de l'éclipse et de notre groupe de français. Hélène en profite pour leur demander leur impression personnelle sur l'éclipse qu'elles viennent de vivre : sur le coup, elles semblent très surprises par la question. Puis, un sourire aux lèvres, tentent de décrire la lumière de la totalité comme une lumière douce, agréable... paisible. Elles ont vraiment été impressionnées et ça se voit. « On comprend maintenant pourquoi il y a eu un si grand déplacement ! » dit l'une d'elle.
Là-dessus, Hélène, tout aussi ravie que moi, les remercie pour leur témoignage et nous leur souhaitons bon courage pour la suite de leur oeuvre humanitaire, notamment pour l'enseignement aux jeunes filles africaines. « Nous menons le même combat » conclut Hélène ! « Flammarion peut se reposer tranquille, nous avons l'esprit diffuseur ! ». Inutile de vous dire que ce fut le deuxième moment fort de la journée !


Petite "photo de groupe souvenir" devant le Nexstar de Philippe, comprenant Guy, Hélène, Marie,
moi (avec le chapeau), ainsi que les deux déléguées africaines de l'UNESCO
qui nous ont fait le plaisir de discuter avec nous à la fin de l'éclipse !

16 h 10. L'éclipse est presque terminée. Quasiment plus personne ne la regarde désormais. J'aurais pu commencer à démonter mon matériel, mais je préfère continuer à discuter avec les autres et à prendre quelques photos de temps en temps... A 16 h 28, c'est le dernier contact. Encore un chouillat de Soleil éclipsé, puis en une seconde plus rien. L'astre du jour est redevenu parfaitement rond, comme à son habitude. L'éclipse est définitivement terminée, il ne nous reste plus qu'à tout remballer...


L'éclipse est terminée, le programme photo de Philippe Morel aussi... Il peut tout remballer !


Tout comme Yves et Geneviève Delaye, les deux célèbres chasseurs d'éclipses français...

Evidemment, lent comme je suis, je me retrouve parmi les derniers quittant le site d'observation. Pourtant, j'étais loin d'être celui qui avait le plus de matériel... quoique, trois trépieds et autant d'appareils, ça fait lourd quand même ! Néanmoins, j'eus l'occasion, comme Hélène, d'avoir cet "esprit diffuseur" qu'affectionnait particulièrement Camille Flammarion, le grand papa des vulgarisateurs de l'astronomie ! Deux serveurs zambiens de l'hôtel, qui s'étaient joints à nous pour nous aider à ranger les nombreuses chaises empruntées pour l'occasion, étaient en train de discuter en anglais, tous les deux, à mes côtés pendant que j'enroulais la bobine de cordon qui nous avait servi de "barrière".
C'est alors que je les surprends dans une discussion très technique sur la mécanique des éclipses... « Is it the moon which pass over the sun ? » se demandait l'un, pendant que l'autre essayait de comprendre lui aussi. Visiblement, ils n'avaient pas l'air très au courant du "pourquoi" d'une éclipse, même s'ils avaient l'air d'avoir compris l'essentiel. C'est alors que je suis intervenu dans leur conversation, pour éviter de laisser ces deux intéressés du phénomène dans le doute... Dans un anglais minable mais bien suffisant pour communiquer parfaitement, je leur ai donc confirmé que c'est bien la lune qui passait devant le Soleil, et que la Terre recevait de plein fouet l'ombre de la lune à cette occasion. « Ah OK... But, what is a lunar eclipse ? Is it the sun which pass over the moon ? » me demande alors l'un d'eux ! Je leur ai donc expliqué aussi la mécanique des éclipses de lune, et que c'était l'ombre de la Terre qui se projetait sur la lune ! Je leur demande au passage ce qu'ils ont pensé de l'éclipse et, comme beaucoup, ils ne parviennent pas à me dire autre chose que « It was really beautiful... », un grand sourire aux lèvres... Absolument ravis d'avoir échangé ces quelques mots, nous nous quittons alors dans un brouhaha de remerciements respectifs. Quel plaisir de pouvoir se dire qu'on a pu aider ces hommes à mettre au clair quelque chose qui, pendant des millénaires, n'a été clair pour personne, pas même les Européens...
Là-dessus, je remballe mes derniers objectifs et diverses bricoles plus ou moins utiles et nous revoilà à l'hôtel pour un apéro bien mérité !


A peine une heure après la fin de l'éclipse, c'est déjà le coucher du soleil.
Un image qui résume bien la journée exceptionnelle que nous avons tous vécus !

Vers 18 h 00, il fait déjà nuit. Nous sommes une quinzaine, réunis autour de deux bouteilles de vin blanc, au bord de la piscine, à échanger quelques impressions du voyage, de cette folle journée, et des éclipses à venir... 2006, 2009, 2010... De grandes dates en perpective...
Mais bientôt, le froid se joint à nous. Pour rémédier à ce problème que nous redoutons tous déjà, en souvenir de la nuit précédente, quelques serveurs de l'hôtel allument des braseros. Bref, chacun s'est ainsi rapproché de ces sources de chaleur bienvenues au fur et à mesure de l'apéro, le froid commençant à devenir de plus en plus fort. Vers 19 h 00, le dîner est annoncé. On apprend alors qu'il faut aller se servir au buffet de la tente, comme au midi... mais qui est situé à 30 mètres du brasero de l'hôtel le plus proche... dans un froid glacial. Une fois n'est pas coutume, Hélène, quelques autres et moi nous incrustons dans la salle de restaurant de l'hôtel pour manger au chaud avec les membres de l'UNESCO... tandis que les autres doivent manger avec leur assiette sur les genoux, affrontant une température frontale de 20°C, et d'environ 5°C dans le dos...
Pour couronner le tout, le serveur nous a offert les boissons, comme quoi... Peut-être l'une des nombreuses conséquences de l'éclipse...

Sur ce, nous sommes repartis en bus en direction de notre hôtel à Kabwe. Après une petite heure de route, nous avons déchargé les bagages et pris les clés des chambres. Après s'être vaguement installés dans nos chambres respectives, nous nous sommes presque tous retrouvés dans la cour centrale de l'hôtel, lumières extérieures éteintes, pour observer une seconde - et dernière fois - le ciel de l'hémisphère sud, grâce à la petite lunette Takahashi de Claude et les paires de jumelles de quelques autres. L'occasion pour les astronomes amateurs comme moi et Hervé (mon collègue de chambre), de pointer quelques objets sympas pour les néophytes du groupe. Certains ont pu donc découvrir, en plus du fameux Oméga du Centaure et de la boîte à bijoux, quelques merveilles du ciel boréal, visibles en France mais qu'ils n'avaient pu eu l'occasion de voir auparavant. Ainsi, nous avons aussi pointé la nébuleuse Dumbell, l'étoile-double Albiréo, la planète Mars (au zénith !) et j'en passe. Une bonne heure d'observation, dans un ciel certes bien plus lumineux que celui de la veille en pleine brousse, mais fort impressionnant quand même !
Mais bien rapidement, aux alentours de minuit, la fatigue s'est fait ressentir. Et comment mieux terminer une journée pareille, aussi riche en émotions, qu'en se plongeant dans un lit bien propre et frais... Et de s'endormir presque aussitôt, sans même avoir le temps de rêver. Mais pour ça, on avait eu l'éclipse, déjà...

J. 4 : Vendredi 22 Juin 2001 - Hiver

7 h 00. Réveil matinal, pour le grand retour vers l'Europe, déjà... La nuit a été parfaite, très reposante. Je n'avais pas dormi dans un lit depuis trois jours... Aucun moustique, à notre connaissance, n'est allé virevolter auprès de nous...


Vue de l'hôtel Masiye, à Kabwe, le matin de notre départ. Encore un bel hôtel bien fleuri !

Petit déjeuner anglais, rapide, et le temps de boucler une dernière fois les bagages, nous montons tous dans le bus et faisons un dernier au revoir aux autochtones.
Le retour en bus fut assez "touristique" : nous avons enfin pu voir les paysages zambiens de jour, et du même coup les habitants du pays. Malheureusement, nous n'avons pas eu le temps de recontrer des habitants de Kabwe, mais comme maigre récompense, le bus a traversé la ville, nous offrant ainsi un panorama réaliste de la vie en Zambie : l'Afrique, littéralement. Beaucoup de badauds, de marchands divers, de la pub pour Coca-Cola sur tous les murs, des rues assez sales et des camions à moitié rouillés...
Sur la route principale qui nous mène jusqu'à Lusaka, c'est un autre type de paysage : des kilomètres de brousse, presque monotone, avec quelques maisons ou cases en bois par-ci par-là... Le long de la route : un tracteur, une charrette... Des marchands, encore, et des gens qui marchent sur le bord de la route, comme en Afrique du Sud ! Quelques-uns ont des vélos, mais c'est un luxe par ici ! Quelques boeufs par moment, mais pas de girafe, malheureusement... Nous sommes bien loin des régions touristiques des parcs nationaux, situés plus à l'est du pays. Mais nous avons vu ici la réalité de la vie dans ce pays, même si nous n'y avons pas été confrontés.


La brousse zambienne vue depuis notre bus en direction de Lusaka !

Peu de temps avant d'arriver à Lusaka, nous avons longé plusieurs champs, des énormes exploitations agricoles traversées, aussi incroyable que cela puisse paraître, par d'immenses dispositifs d'arrosage (comme dans les champs de maïs en France !). L'eau est peut-être précieuse dans ces pays mais elle semble facile à trouver...
Arrivés à Lusaka, nous découvrons une ville fleurie, avec quelques maisons bourgeoises et une belle fontaine au milieu de la place que nous contournons à l'entrée de la ville. Plusieurs immeubles forment au loin la petite "city", centre économique du pays. Nous traversons rapidement cette zone pour arriver du côté du supermarché principal de Lusaka, dont l'entrée est ornée de beaux jardins... Un passage à niveau, un camion de militaires qui passe, et nous voilà repartis pour l'aéroport de Lusaka, à une vingtaine de kilomètres de la ville.


Une belle affiche sur l'éclipse devant l'aéroport de Lusaka !

Vers midi, nous voilà de nouveau dans le hall du petit aéroport de Lusaka... bondé comme il ne l'a jamais été. A nos côtés, plusieurs groupes d'Anglais, d'Indiens, de Japonais, patientent avant l'enregistrement de leurs bagages. Pendant ce temps, nous mangeons quelques restes du pique-nique prévu pour le groupe (qui s'est légèrement écrasé pendant le voyage), quelques-uns tentent de se procurer le journal local mais trop tard, tout a été vendu... C'est foutu, nous n'aurons pas de souvenir de l'éclipse rapportée par la presse zambienne...
Les guides s'arrangent avec les autorités pour nous faire passer tous en groupe d'un coup. En quelques minutes c'est arrangé, et nous revoilà dans notre fameux petit avion spécialement affrété pour nous...

Le voyage retour se déroule sans histoire. Le petit vol affrété a une nouvelle fois été l'occasion de prendre des apéros mémorables tout en survolant le magnifique lac Kariba (frontière naturelle entre la Zambie et le Zimbabwe). Nous atterrissons à Johannesburg au soleil couchant. Vol encore une fois inoubliable et parfaitement réussi !

Notre dernière escale à l'aéroport de Johannesburg aura été l'occasion pour tous de faire encore les Duty Free de fond en comble. Paquets de cigarettes, bouteilles de whisky ou souvenirs d'Afrique se vendront comme des petits pains ! Pour ma part, une tablette de chocolat suffira à utiliser mes derniers dollars... Juste après avoir acheté les deux principaux journaux sud-africains (The Star et Pretoria News) dont l'éclipse fait la première page !

Vers 21 h 00, nous embarquons pour l'ultime vol du voyage, qui nous mènera directement vers Paris avec une escale à Zurich, en Suisse. C'est parti pour (encore) 10 heures de vol...

Sauf que cette fois-ci, nous avons réussi à occuper les 10 heures de vol avec bonne humeur (le voyage aller avait été plus fatigant, là pas du tout !). J'ai pu ainsi lire mes journaux tranquillement, me balader dans l'avion et discuter avec d'autres personnes, en attendant le moment fort du vol : le passage de l'équateur !!

Eh oui, car malheureusement j'avais oublié de faire l'expérience que tout Européen fait systématiquement lors de son premier voyage dans l'hémisphère sud : le coup du lavabo !
Car comme vous le savez, en France l'eau s'évacue dans le sens des aiguilles d'une montre, mais en Afrique du sud ou en Australie, ça se passe dans le sens inverse. Il fallait vérifier ça... Nous voilà donc partis Marie et moi dans les WC étroits du 747 de la South African pour cette expérience de physique amusante !

Notre collaborateur : Philippe Morel, muni de son GPS. Son rôle : capter les quatre satellites nécessaires au bon fonctionnement de son appareil pour nous donner en temps réel les coordonnées exactes de l'avion. Au bout d'un quart d'heure, il parvient à avoir la précieuse information : nous sommes à moins de 5° au sud de l'équateur, l'expérience peut encore avoir lieu. Nous nous précipitons dans les WC et remplissons le petit lavabo d'eau savonneuse. L'eau s'écoule lentement... dans le sens des aiguilles d'une montre ! Impossible ! Nous recommençons. Cette fois, on ne voit rien. Encore raté. Nous nous renseignons auprès de Philippe, qui a déjà fait cette expérience lors de voyages précédents. Nous recommençons encore, alors que nous sommes à moins de 3° au sud de l'équateur, au dessus de l'ex-Zaïre !
Après deux nouvelles tentatives, ça marche !! Nous retournons auprès de Philippe pour l'informer de notre succès, sous le regard étonné de plusieurs autres voyageurs... Nous approchons de l'équateur...
Retour dans les WC, cette fois-ci pour vérifier que l'eau s'écoule ni dans un sens ni dans l'autre, mais bien au centre, car les deux forces sont censées d'annuler à cet endroit. Raté : l'eau tourne déjà dans le sens des aiguilles d'une montre. Nouvel essai : pareil. Le temps d'aller voir Philippe et nous avions passé l'équateur ! Nous avons pu voir les deux sens en moins de cinq minutes !! Qu'est-ce qu'on s'est bien marrés...

Là-dessus, un dernier verre de vin rouge et nous fermons l'oeil, histoire de nous reposer quelques heures après toutes ces émotions...

J. 5 : Samedi 23 Juin 2001 - Été (en Europe)

6 h 00. Nous arrivons en vue de l'Europe au petit matin. A quelques kilomètres au-dessus de l'Italie, le soleil se lève plusieurs fois entre les pics alpins de l'horizon est. Son éclat lumineux est déjà assez intense, ce qui m'empêche de voir les rayons verts successifs que Philippe, lui, dit avoir parfaitement vus à plusieurs reprises au cours de ce lever de soleil si particulier !! Pas si évident que ça...
C'est alors que les nuages disparaissent au-dessous de nous, laissant apparaître les Alpes italiennes et suisses dans toute leur splendeur ! A 10 000 mètres d'altitude, les sommets enneigés des montagnes alpines sont d'une beauté à couper le souffle.

Vers 7 h 00, le 747 commence à perdre de l'altitude en vue d'atterrir à Zurich, pour son escale en Suisse où il laissera les trois quarts des passagers ! Atterrissage parfait sous un ciel parfaitement bleu. Le temps de laisser descendre les passagers et de faire le plein de kérozène, et nous voilà repartis en direction de Roissy.
50 minutes de vol au petit matin en survolant les campagnes suisses et françaises, avec de nouveau l'époustouflant spectacle des Alpes à l'horizon... Le mont Cernin et le mont Blanc sont parfaitement visibles, même si nous ne parvenons pas à les identifier avec certitude.

A 8 h 30, nous voilà de nouveau en France... C'est la fin du voyage... Dans le groupe, on parle déjà de 2002, et de nouveau d'un éventuel voyage en Afrique du Sud... ou bien l'Australie, c'est selon...
Vers 9 h 30 nous nous quittons définitivement, après avoir longuement attendu nos bagages... C'est dur, les adieux... surtout quand on a passé cinq jours remplis d'émotions intenses à chaque moment avec tant de personnes formidables... Échanges d'adresses, promesses de contact et de "on se revoit bientôt", et voilà que chacun repart de son côté raconter son aventure à tous ceux qui sont restés à ces latitudes pendant tout ce temps...

Paris... la France. L'été. Dans le bus qui me ramène à la gare Montparnasse, je retrouve avec une certaine nostalgie le pays que j'ai laissé pendant plusieurs jours... Pourtant, c'est à l'Afrique que je pense... Tout me semble si banal à côté de tout ce que j'ai pu voir durant ce voyage... Ici, les gens ont tous l'air stressés et froids.
J'ai l'impression d'avoir rêvé. Y suis-je réellement allé ? Les trois pellicules qui sont dans ma poche me prouveront effectivement que ce rêve a bien eu lieu. C'était rapide, certes. Mais intensément fort. Et inoubliable. Pas besoin de passer 10 jours dans un pays pour en avoir un bon souvenir, finalement, même si nous savons que nous avons raté pas mal de choses. Mais pour ma part ce n'est que partie remise, car j'espère bien retourner un jour en Afrique, et notamment voir ces fameuses chutes Victoria et quelques lions et éléphants en liberté... J'ai encore quelques bonnes dizaines d'années devant moi, et j'espère bien en profiter, que ce soit à l'occasion d'éclipses en non... En tout cas, l'avenir est prometteur, car à chaque éclipse à venir une nouvelle destination à découvrir... L'espoir fait vivre, non ?

Sylvain Rivaud,
24, 25, 28 et 29 Juin 2001.

Mes photos de l'éclipse !

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